DE LA GRATIFICATION OBLIGATOIRE… OU DU « BONUS » DEVENU CONTRACTUEL
Il convient de rappeler qu’une gratification est bénévole lorsqu’elle est versée à la seule discrétion de l’employeur.
Elle présente un caractère obligatoire, lorsqu’elle est prévue par le contrat de travail, un accord d’entreprise, une convention collective applicable, un usage ou encore un engagement unilatéral de l’employeur.
Lorsqu’elle résulte d’un usage, la gratification, pour être obligatoire, doit présenter 3 caractères : constance, fixité et généralité.
Mais à supposer ces trois critères remplis, la question se pose de savoir si une gratification obligatoire, ou « bonus » peut être due au salarié qui quitte l’entreprise au prorata de ses mois de présence ?
La question mérite d’être posée.
En effet si la Cour de cassation rappelle régulièrement que « le droit au paiement prorata temporis d’une gratification à un salarié quittant l’entreprise avant la date de son versement ne peut résulter que d’une convention », les arrêts rendus dans leur motivation, semblent considérer qu’il appartient aux juges du fond de définir le comportement de l’employeur qui peut être qualifié de conventionnel.
Ainsi, pour exemple, la Cour d’Appel de Paris dans un arrêt de la 21è chambre C du 14 février 2008 (RG 05/00196), a pu considérer notamment que dès lors qu’une gratification faisait partie de la rémunération contractuelle du salarié, l’employeur ne pouvait l’en priver au prétexte de son absence à la date de son versement.
Et la Cour d’ajouter que la circonstance que le salarié ait perçu cette gratification au terme de sa première année d’embauche, au prorata de sa présence dans l’entreprise, est de nature à confirmer le caractère contractuel de celle-ci.
Plus récemment encore, la Cour de cassation a considéré que s’il est exact qu’une gratification exceptionnelle ou une gratification expressément et distinctement prévue par le contrat de travail n’emporte pas un droit au paiement prorata temporis sauf accord des parties et/ou des partenaires sociaux en ce sens, il en va autrement lorsque ladite prime constitue une partie variable de la rémunération du salarié non définie au contrat de travail.
- Cass. Soc. 3/12/2014 : « Mais attendu qu’ayant constaté que la prime trimestrielle constituait une partie variable de la rémunération de la salariée en contrepartie de son activité et s’acquérait en fonction de critères définis dans l’accord d’entreprise, le Conseil de prud’hommes en a exactement déduit que la prime devait être calculée au prorata du temps de présence et n’était pas subordonnée à la condition pour la salariée d’être sous contrat de travail au terme de la période de référence ».
- Cass. Soc. 5/05/2010 : « Attendu que le Conseil de prud’hommes qui a relevé que la mention « 13è mois » figurait de manière constante sur les bulletins de paye des années 2003, 2004 et 2005 de la société Jema distribution comme sur toutes celles de la salariée et que la convention collective applicable prévoyait le paiement d’une gratification au prorata du temps de présence, en a déduit sans encourir les griefs du moyen qu’il existait une gratification distincte de la prime annuelle de l’article 3.8 de la CCN et payable au prorata temporis ».
Ainsi la Haute juridiction considère que si le versement d’une gratification au prorata temporis ne peut résulter que d’un usage, c’est à la condition qu’elle ne soit pas elle-même une gratification d’usage devenue en tant que telle, un élément du salaire.
Céline ALINOT
Avocat au Barreau de NICE
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